Max-Pol Fouchet (1913-1980)

Pour détruire un jour d’été

Pour détruire un jour d’été
Le seul envol d’un oiseau
Vent froid au revers des plaines
Les hameaux de sang caillé

Notre coeur est nostalgie
Une terre à nos pas inconnue
Regret de ne plus l’habiter
Et nous n’y avons pas vécu

D’autres chemins jamais foulés
Celui-ci nous semble un otage
Le regret le désir mêlés
Espoir et deuil ont le même âge

La montée d’une aile au soir
Souligne le jour qui tombe
Quelle braise encore empêche
Le feu d’accepter la cendre ?


Un grand vol de colombes

Un grand vol de colombes
N’est pas vain contre le soir
Avant que le soir ne tombe
Dernier feu que l’on peut voir
Avant que le soir ne tombe
Je reverrai l’allée blanche
Avant que se ferme l’ombre
La baie la plage le dimanche
Un vol contre la nuit posé
Un baiser posé au bord des yeux
Il n’est remède contre la nuit
Que l’attente de la rosée.


Au lac bleu de tes veines

Au lac bleu de tes veines
Des oiseaux se méprennent
Aux branches de ton sang
Des oiseaux ont pris rang
C’est un silence d’oiseaux
Au long de tes vaisseaux
C’est un silence de sang
Qui vers la nuit se rend
C’est un silence de vie
Qui vers la mort descend
C’est un silence d’amour
De vie de feuille d’un jour

Sur l’arbre bleu de tes veines
Ce n’est que prison d’ailes
Capture du chasseur à l’appeau
Qu’il tendait avide aux oiseaux
Chasseur de lui-même englué
Par la proie de lui convoitée
Au lacs bleu de tes vaisseaux
Je ne suis plus qu’un oiseau
Aux branches nues de ton corps
Qu’à voix douce la neige endort
Dans un silence qui ne s’achève
De chair de chaleur de rêve

Les limites de l’amour

Il suffit d’un baiser
Pour apprendre l’amour
Et d’un oeil abaissé
Pour connaître la nuit

Il suffit d’un mort
Pour savoir en secret
Les machines de l’oubli
Les pièges du souvenir

Et de sable mouillé
Pour à jamais découvrir
Les industries de la mer
A effacer les pas

Longuement j’écoute
En toi respirer mon amour
Tu as en toi mon amour
J’ai ton amour en moi

Le plus clair de mon sang
Depuis longtemps passe en toi
Et voici que ton sang
En mes veines afflue

Je te prolonge tu me limites
Ta frontière est en moi
Ta vie se fait de la mienne
Serais-je si tu n’étais pas ?

La buée de nos haleines
C’est au froid du ciel
La preuve de nos sangs mêlés
De nos vies l’une par l’autre

Comme un halo de la lune
Mon souffle entoure le tien
Et sans la rosée de tes lèvres
Je serais sable dans le vent

Quand cessera mon coeur
Le tien cessera de battre
Il faut bien que tu saches
Que j’emporterai ton coeur


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