Charles d’Orléans (1394-1465) 

Le Temps a laissé son manteau

Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie,
Et s’est vêtu de broderies,
De soleil luisant, clair et beau.

Il n’y a bête ni oiseau
Qu’en son jargon ne chante ou crie :
Le temps a laissé son manteau !

Rivière, fontaine et ruisseau
Portent, en livrée jolie,
Gouttes d’argent, d’orfèvrerie,
Chacun s’habille de nouveau :
Le temps a laissé son manteau.

Les Fourriers d’été sont venus

Les fourriers d’été sont venus
Pour appareiller son logis,
Et ont fait tendre ses tapis,
De fleurs et verdure tissus.

En étendant tapis velus,
De vert herbe par le pays,
Les fourriers d’Eté sont venus
Pour appareiller son logis.

Coeurs d’ennui piéça morfondus,
Dieu merci, sont sains et jolis ;
Allez-vous-en, prenez pays,
Hiver, vous ne demeurez plus ;
Les fourriers d’Eté sont venus.


Que me conseillez-vous, mon cœur

Que me conseillez-vous, mon cœur ?
Irai-je par devers la belle
Lui dire la peine mortelle
Que souffrez pour elle en douleur ?

Pour votre bien et son honneur,
C’est droit que votre conseil céle.
Que me conseillez-vous, mon cœur,
Irai-je par devers la belle ?

Si pleine la sais de douceur
Que trouverai merci en elle,
Tôt en aurez bonne nouvelle.
J’y vais, n’est-ce pour le meilleur ?
Que me conseillez-vous, mon cœur ?


Prenez tôt ce baiser, mon cœur

Prenez tôt ce baiser, mon cœur,
Que ma maîtresse vous présente,
La belle, bonne, jeune et gente,
Par sa très-grand grâce et douceur.

Bon guet ferai, sur mon honneur,
Afin que danger rien n’en sente.
Prenez tôt ce baiser, mon cœur,
Que ma maîtresse vous présente.

Danger, toute nuit en labeur,
A fait guet ; or gît en sa tente.
Accomplissez bref votre entente,
Tandis qu’il dort ; c’est le meilleur.
Prenez tôt ce baiser, mon cœur.