Charles Le Quintrec (1926-2008)

Seigneur, qui tant m’aidez à vivre

Seigneur, qui tant m’aidez à vivre
Rendez moi l’anneau du passé
Les neiges d’antan et le givre
Et l’amour des premiers croisés
Je ne suis pas né sans étoile
J’ai mon Ourse et ma Voie lactée
J’ai trois dieux dans ma cathédrale
Ce pluriel vaut un singulier.

Seigneur, qui savez mon histoire
Sans histoire
et l’avez couchée
Au Saint Livre de la mémoire
Quelle est cette image à l’envers
Qui me ressemble sans me plaire
Qui me trahit sans le vouloir
Moi qui suis de nulle part ?

Seigneur, qui savez tout de moi
Jusqu’au dernier jour indiqué
Mon pluriel, mon beau singulier,
Mon seul amour entier en trois

Laissez moi traîner ma misère
Comme le forçat, le repris
Traîne son boulot d’infamie
Et que Simon, le tendre ami,
Me jette la première pierre.



Il me souvient du vieux pays

Ô mer, ne reste-t-il que sable sur le sable
Pour écrire l’Histoire ? Ô mer sauvée des fables
Quelle écume, à nos pieds, se souvient du chaos ?

Les galets du soleil captent d’autres lumières
Les goémons frottent leurs insectes par milliers
Ce vieux pays en moi
Mais c’est toute la mer !
Le flux et le reflux imposent ma prière
Paysans et pêcheurs savent comment l’aimer.

Dites-moi, mes amis, ce pays vers la mer
Ce pays dans la mer, comment y revenir ?
Rebâtir sur le roc villages de naguère
Qui parle dans mon cœur soudain de rebâtir ?
Prendrai-je le chemin qui nous aide à mourir ?
Suis-je déjà trop loin sur la route éphémère ?

Une rivière va, son bruit blanc, sur les pierres.




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