Eustache Deschamps (1345-1404)

Souhaits du jour de l’an

Bon an, bon jour et bonne étrenne
Ma dame, vous soit hui donnée
Au commencement de l’année,
Comme à m’amour très souveraine
Et la plus belle qui soit née.
Bon an, bon jour et bonne étrenne,
Ma dame, vous soit hui donnée.

De mon cœur et corps vous étrenne,
Tout vous doing à cette journée
Et pour être mieux étrennée
Bon an, bon jour et bonne étrenne,
Ma dame, vous soit hui donnée
Au commencement de l’année.

Ballade de Paris

Quand j’ai la terre et mer avironnée
Et visité en chacune partie
Jérusalem, Egypte et Galilée,
Alexandrie, Damas et la Syrie,
Babylone, le Caire et Tartarie,
Et tous les ports qui y sont,
Les épices et sucres qui s’y font,
Les fins draps d’or et soies du pays
Valent trop mieux ce que les Français ont :
Rien ne se peut comparer à Paris.

C’est la cité sur toutes couronnée,
Fontaine et puits de science et de clergie,
Sur le fleuve de Seine située :
Vignes, bois a, terres et prairies,
De tous les biens de cette mortell’ vie
A plus qu’autres cités n’ont ;
Tout étranger l’aiment et aimeront,
Car, pour plaisirs et pour sites jolis,
Jamais cité telle ne trouveront :
Rien ne se peut comparer à Paris.

Mais elle est bien mieux que ville fermée,
Et de châteaux de grande ancestrerie,
De gens d’honneur et de marchands peuplée,
De tous ouvriers d’armes, d’orfèvrerie ;
De tous les arts c’est la fleur, quoi qu’on dit :
Tous ouvrages adroits font ;
Subtil engin, entendement profond
Verrez avoir aux habitants toudis,
Et loyauté aux œuvres qu’ils feront :
Rien ne se peut comparer à Paris.

Ballade sur la mort Du Guesclin

Estoc d’honneur et arbre de vaillance,
Cœur de lion, épris de hardiment,
La fleur des preux et la gloire de France,
Victorieux et hardi combattant,
Sage en vos faits et bien entreprenant,
Souverain homme de guerre,
Vainqueur de gens et conquéreur de terre
Le plus vaillant qui oncques fut en vie,
Chacun pour vous doit noir vêtir et querre :
Pleurez, pleurez, fleur de Chevalerie !

O Bretagne, pleure ton espérance,
Normandie, fais son enterrement,
Guyenne aussi, et Auvergne or t’avance,
Et Languedoc, quiers lui son monument:
Picardie, Champagne et Occident
Doivent pour pleurer acquerre
Tragédiens, Aréthuse requerre
Qui en eau fut par ses pleurs convertie,
Afin qu’à tous de sa mort le cœur serre :
Pleurez, pleurez, fleur de Chevalerie !

Hé ! Gens d’armes, ayez en remembrance
Votre père, – vous étiez ses enfants ! –
Le bon Bertrand, qui tant eu de puissance,
Qui vous aimait si amoureusement ;
“Guesclin” criait ; priez dévotement
Qu’il puisse Paradis conquerre !
Qui deuil n’en fait, et qui ne prie, il erre ;
Car du monde est la lumière faillie ;
De tout honneur était la droite serre :
Pleurez, pleurez, fleur de Chevalerie !


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