Gérard de Nerval (1808-1855) 


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Chœur d’amour

Ici l’on passe
Des jours enchantés !
L’ennui s’efface
Aux coeurs attristés
Comme la trace
Des flots agités.

Heure frivole
Et qu’il faut saisir,
Passion folle
Qui n’est qu’un désir,
Et qui s’envole
Après le plaisir !


El Desdichado

Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé,
Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie :
Ma seule Etoile est morte, – et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m’as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le Pampre à la Rose s’allie.

Suis-je Amour ou Phébus ?… Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ;
J’ai rêvé dans la Grotte où nage la sirène…

Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d’Orphée
Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée.


Vers dorés

Homme ! libre penseur – te crois-tu seul pensant
Dans ce monde où la vie éclate en toute chose :
Des forces que tu tiens ta liberté dispose,
Mais de tous tes conseils l’univers est absent.

Respecte dans la bête un esprit agissant : …
Chaque fleur est une âme à la Nature éclose ;
Un mystère d’amour dans le métal repose :
« Tout est sensible ! » – Et tout sur ton être est puissant !

Crains dans le mur aveugle un regard qui t’épie
A la matière même un verbe est attaché …
Ne la fais pas servir à quelque usage impie !

Souvent dans l’être obscur habite un Dieu caché ;
Et comme un oeil naissant couvert par ses paupières,
Un pur esprit s’accroît sous l’écorce des pierres !



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