Pontus de Tyard (1521-1605)

Je mesurais, pas à pas, et la plaine

Je mesurais pas à pas, et la plaine,
Et l’infini de votre cruauté,
Et l’obstiné de ma grand’ loyauté
Et votre foi fragile et incertaine.

Je mesurais votre douceur hautaine,
Votre angélique et divine beauté,
Et mon désir trop hautement monté,
Et mon ardeur, votre glace et ma peine.

Et ce pendant que mes affections,
Et la rigueur de vos perfections,
J’allais ainsi tristement mesurant :

Sur moi cent fois tournâtes votre vue,
Sans être en rien piteusement émue
Du mal, qu’ainsi je souffrais en mourant.

En contemplation de dame Louise Labé

Quel Dieu grava cette majesté douce
En ce gai port d’une prompte allégresse ?
De quel lis est, mais de quelle déesse
Cette beauté qui les autres détrousse ?

Quelle Sirène hors du sein ce chant pousse,
Qui décevrait le caut Prince de Grèce ?
Quels sont ces yeux mais bien quel trophée est ce
Qui tient d’amour l’arc, les traits et la trousse ?

Ici le ciel libéral me fait voir
En leur parfait, grâce, honneur et savoir,
Et de vertu le rare témoignage ;

Ici le traître Amour me veut surprendre
Ah ! de quel feu brûle un coeur jà en cendre !
Conune en deux parts se peut-il mettre en gage ?

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